La formation professionnelle continue a connu de profonds bouleversements législatifs ces dernières décennies en France. Face aux mutations rapides du marché du travail, le cadre juridique n’a cessé d’évoluer pour s’adapter aux nouveaux besoins des salariés et des entreprises. Découvrez comment les lois ont façonné ce domaine stratégique, de la création du congé individuel de formation en 1971 jusqu’aux récentes réformes de 2018.
Les fondements du système de formation professionnelle continue
La loi Delors du 16 juillet 1971 a posé les bases du système français de formation professionnelle continue. Elle a instauré l’obligation pour les entreprises de plus de 10 salariés de consacrer un pourcentage minimal de leur masse salariale à la formation. Cette loi fondatrice a également créé le congé individuel de formation (CIF), donnant aux salariés la possibilité de suivre une formation de leur choix, indépendamment du plan de formation de l’entreprise.
En 1984, la loi Rigout a renforcé ce dispositif en étendant l’obligation de financement aux entreprises de moins de 10 salariés. Elle a aussi introduit le principe de co-investissement entre l’employeur et le salarié, ouvrant la voie à une responsabilité partagée dans le développement des compétences.
Comme l’a souligné Me Jean Dupont, avocat spécialisé en droit du travail : « Ces premières lois ont posé les fondations d’un système unique au monde, faisant de la formation professionnelle un droit pour tous les salariés et une obligation pour les employeurs. »
Les réformes des années 2000 : vers plus d’individualisation
La loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie a marqué un tournant majeur. Elle a créé le droit individuel à la formation (DIF), permettant à chaque salarié de capitaliser 20 heures de formation par an, cumulables sur 6 ans. Cette loi a aussi instauré les périodes de professionnalisation pour favoriser le maintien dans l’emploi des salariés en CDI.
En 2009, la loi sur l’orientation et la formation professionnelle tout au long de la vie a apporté de nouvelles avancées. Elle a notamment créé le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) pour financer des actions de formation au bénéfice des demandeurs d’emploi et des salariés les moins qualifiés.
Selon une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), ces réformes ont permis d’augmenter le taux d’accès à la formation des salariés de 32,5% en 2000 à 43,5% en 2010.
La réforme de 2014 : la création du compte personnel de formation
La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale a profondément remanié le système. Elle a supprimé le DIF au profit du compte personnel de formation (CPF), attaché à la personne et non plus au contrat de travail. Le CPF est alimenté en heures de formation, à raison de 24 heures par an jusqu’à 120 heures, puis 12 heures par an jusqu’à un plafond de 150 heures.
Cette loi a également introduit l’entretien professionnel obligatoire tous les deux ans, ainsi que le conseil en évolution professionnelle (CEP), un service gratuit d’accompagnement des projets professionnels. Elle a par ailleurs réformé le financement de la formation professionnelle en instaurant une contribution unique des entreprises.
Me Sophie Martin, avocate en droit social, commente : « La réforme de 2014 a marqué un véritable changement de paradigme, en plaçant l’individu au cœur du système de formation professionnelle et en renforçant sa capacité d’initiative. »
La loi « Avenir professionnel » de 2018 : une nouvelle révolution
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a apporté des changements majeurs au système de formation professionnelle continue. Parmi les principales innovations :
1. La monétisation du CPF : le compte n’est plus crédité en heures mais en euros (500€ par an pour un salarié à temps plein, plafonné à 5000€).
2. La création de l’application mobile CPF permettant aux actifs de consulter leurs droits et de s’inscrire directement à des formations.
3. La réforme de l’apprentissage, avec la possibilité de signer un contrat jusqu’à 29 ans révolus et la création de centres de formation d’apprentis (CFA) par les entreprises.
4. La refonte du système de certification professionnelle, avec la création de France Compétences, autorité nationale de régulation et de financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage.
5. La réforme du plan de développement des compétences (ex-plan de formation), avec une distinction entre les formations obligatoires et les autres actions de formation.
Cette loi a également modifié le financement de la formation professionnelle, en instaurant une contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance, collectée par les URSSAF à partir de 2022.
D’après les chiffres de la Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire du CPF, plus de 3 millions de formations ont été validées via le dispositif entre son lancement en novembre 2019 et fin 2021, témoignant du succès de cette réforme.
Les perspectives d’évolution du cadre légal
Le cadre juridique de la formation professionnelle continue est en constante évolution pour s’adapter aux mutations du monde du travail. Plusieurs pistes de réflexion sont actuellement à l’étude :
1. Le renforcement de la formation en situation de travail (FEST), pour mieux articuler formation et activité professionnelle.
2. L’amélioration de l’accès à la formation des travailleurs indépendants et des salariés des TPE-PME.
3. Le développement de la reconnaissance des compétences acquises de manière informelle ou non formelle.
4. L’adaptation du cadre légal aux nouvelles formes d’apprentissage, notamment le e-learning et les formations hybrides.
Me François Dubois, expert en droit de la formation professionnelle, souligne : « Les prochaines évolutions législatives devront prendre en compte les enjeux de la transition écologique et numérique, tout en veillant à l’équité d’accès à la formation pour tous les actifs. »
L’évolution des lois sur la formation professionnelle continue reflète les transformations profondes du marché du travail et de la société. D’un système centré sur l’entreprise, nous sommes passés à un modèle qui place l’individu au cœur du dispositif, avec une responsabilité accrue dans la gestion de son parcours professionnel. Les futures réformes devront relever le défi de concilier les besoins des entreprises, les aspirations des individus et les grands enjeux sociétaux, dans un contexte de mutations technologiques et économiques accélérées.